La fête des Lumières, par Flavius Josèphe
Antiquités judaïques, livre XII, VII
Traduction de Julien Weill, sous la direction de Théodore Reinach
1900 Ernest Leroux, éditeur – Paris
6 [122]. Après avoir vaincu si souvent les généraux du roi Antiochus, Judas réunit une assemblée et déclara que, à la suite de toutes les victoires que Dieu leur avait accordées, il fallait monter à Jérusalem, purifier le Temple et offrir les sacrifices ordonnés par la loi. Il se rendit donc à Jérusalem avec tout le peuple ; il trouva le Temple vide, les portes brûlées, le sanctuaire envahi par les plantes qui, par suite de l’abandon, y avaient poussé spontanément ; et couvert de confusion à la vue du Temple, il se mit à gémir avec les siens. Il choisit alors quelques-uns de ses soldats, et les chargea d’attaquer la garnison de la citadelle [123] pendant que lui-même purifierait le Temple. Il l’appropria soigneusement, y plaça de nouveaux objets sacrés, chandelier, table, autel, tout en or, suspendit de nouveau des voiles aux portes, et remit en place les portes elles-mêmes ; renversant l’autel aux sacrifices, il en construisit un nouveau, en pierres assemblées sans aucun lien de fer entre elles. Et le vingt-cinquième jour du mois de Chasleu, que les Macédoniens nomment Apellaios, le chandelier fut allumé, l’encens brûlé sur l’autel, les pains placés sur la table, un holocauste offert sur le nouvel autel aux sacrifices. Il se trouva que ces cérémonies eurent lieu le jour anniversaire de celui où les Juifs avaient changé leur culte saint pour un culte impur et adopté les mœurs des autres peuples, trois ans auparavant ; le Temple, dévasté par Antiochus, était en effet resté trois ans [124] dans cet abandon : car ces événements s’étaient passés la cent quarante-cinquième année, le vingt-cinquième jour du mois Apellaios, en la cent cinquante-troisième olympiade, et le Temple fut remis en état le même vingt-cinquième jour du mois Apellaios, la cent quarante-huitième année, en la cent cinquante-quatrième olympiade [125]. Le Temple avait été dévasté suivant la prophétie faite par Daniel quatre cent huit ans auparavant : il avait, en effet, prédit que les Macédoniens le détruiraient [126].
7. Les fêtes célébrées par Judas et ses concitoyens, en l’honneur du rétablissement des sacrifices dans le Temple, durèrent huit jours ; il n’omit aucune sorte de réjouissance ; il traita ses compatriotes avec de riches et magnifiques sacrifices, fit chanter des hymnes et des psaumes destinés à la fois à exalter la gloire de Dieu et à réjouir le peuple. Ils furent si heureux de pouvoir reprendre leur coutumes, et de recouvrer après un aussi long temps et d’une manière aussi inespérée la liberté de leur culte, qu’ils firent une loi pour que leurs descendants célébrassent chaque année pendant huit jours la restauration du Temple. Et depuis ce temps jusqu’aujourd’hui, nous célébrons cette fête, que nous appelons fête des Lumières, d’un nom qui lui fut, je pense, donné parce que cette liberté avait lui pour nous d’une manière inespérée [127]. (…)
Notes du traducteur
[80] Josèphe a pour source principale le Ier livre des Macchabées, qu’il n’a connu que jusqu’à 13, 42, mais sous la forme qui nous est familière, et qu’il a suivi très fidèlement en général. (…)
(…)
[122] I Maccabées, 4, 36-54.
[123] D’après Guerre, § 39, il commença par la chasser de la ville haute (colline de l’O.) pour la refouler dans la ville basse (colline de l’E. dont faisait partie l’Acra).
[124] Trois ans et 6 mois d’après Guerre, § 32.
[125] Décembre 165 av. J.-C. La 154e olympiade ne commence qu’en juillet 164. La date olympique a été d’ailleurs ajoutée par Josèphe.
[126] Daniel, XI, 31. On voit que Josèphe place Daniel en 573 av. J..C.
[127] I Maccabées, 4, 55-61. Josèphe ajoute le nom de la fête instituée par Judas, dont il donne d’ailleurs une explication fantaisiste. La fête des Lumières (Hanoucca) tire son nom des lumières qu’on y allume en signe de réjouissance (Baba Kamma, VI, 6 etc.).