Tamar et Ruth : la lignée
IV. Les conclusions de Genèse 38 et du Livre de Ruth portent toutes deux sur la descendance de leur héroïne respective, la seconde conclusion s’enracinant dans la première.
Genèse 38, 27-30
Lorsque (Tamar) fut sur le point d’accoucher, voici, il y avait deux jumeaux (1) dans son ventre. Et pendant l’accouchement, l’un présenta la main. La sage-femme (2) la prit, et y attacha un fil d’écarlate en disant : celui-ci est sorti le premier. Et comme il resta sa main, son frère sortit. Et elle dit : quelle brèche tu as faite (מַה־פָּרַצְתָּ עָלֶיךָ, MH-PRZT ‘ŒLYK, Mah Paratseta ‘Aléykha) ! elle l’appela Perets (פָּרֶץ, PRZ). Ensuite sortit son frère, qui avait le fil d’écarlate sur la main, elle l’appela Zéra’h.
Or le nom Perets (פָּרֶץ, PRZ), traduit ici par « brèche », « faire brèche », connote à la fois violence et élargissement (« s’engouffrer dans la brèche »), promesse d’une descendance féconde et abondante, que l’acclamation faite à Boaz, à la fin du livre de Ruth, exalte :
Ruth 4, 12
Que ta maison soit comme la maison de Perets (וִיהִי בֵיתְךָ כְּבֵית פֶּרֶץ , WYHY BYTK KBYT PRZ, VaYehi Baythekha KeBayt Perets), qui fut enfanté à Juda par Tamar!
Quand on se souvient
– qu’Elimelech et Naomi étaient Ephratéens, de Bethléem de Juda (Ruth 1, 1-2)
– que la pièce de terre où Ruth va glaner était « à Boaz, de la famille d’Elimélech », que ce Boaz vient de Bethléem (Ruth 2, 3-4),
et qu’on apprend
– que Boaz descend à la sixième génération de Perets, qu’il est le grand-père de Jessé (יִשָׁי, YSY, Ishaï), père de David (Ruth 4, 18-22)
– ce Jessé, père de David, étant lui-même à son tour Éphratéen de Bethléem de Juda (1Samuel 17, 12)…
… quand on se rappelle par ailleurs que
– d’une part Juda s’était éloigné de ses frères, avait pris une femme cananéenne, mère de trois fils promis successivement à Tamar,
– et que d’autre part, Elimelech et Noami avait émigré, en Moab cette fois, où leurs fils avaient épousé des femmes moabites, dont Ruth …
… on comprend que la lignée de Juda risquait à chaque fois de se perdre en terre étrangère (de s’assimiler), et que le mérite de Tamar d’abord, de Noami, Boaz et Ruth ensuite, est de la ramener en Juda et en Israël (de la remettre sur le chemin de la Torah), jusqu’à mettre au monde le roi David, unificateur de Juda et d’Israël.
Trois citations pour finir
* Dans la généalogie des trois fois quatorze générations qui ouvre l’Evangile de Matthieu (1, 5) :
Salmon engendra Booz de Rahab ; Booz engendra Obed de Ruth .
* Dans Lekha Dodi, 8ème couplet
Grâce à celui qu’on nomme le fils de Pérets
Nous nous réjouirons et nous exulterons
Al yad ish ben Partzi, על יד איש בן פרצי
Ve-nismechah ve-nagilah, ונשמחה ונגילה
* Victor Hugo, Booz endormi, dans « La Légende des Siècles » :
(…) Booz ne savait point qu’une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d’elle (…)
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(1) « Jumeaux », תְאוֹמִים, TAWMYM, Te’omim, nom à l’origine du prénom « Thomas ».
(2) « la sage-femme », הַמְיַלֶּדֶת, HMYLDT, HaMeyaledet, formé sur YLD, Yélèd, « enfant », comme qui dirait l’enfanteuse.
7 novembre 2022 à 21:51
En hébreu dans le Texte
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