Montées de « Ki-Tetsé »
Succession de lois disparates (1)
Nous citerons les lois essentielles.
1) Législation dite de « la femme captive ». La Tora autorise un soldat hébreu attiré par une cananéenne, à l’épouser. « La Tora fait ici une concession au mauvais penchant, car si le Saint, Béni soit-Il, ne la lui permet pas, il l’épousera malgré l’interdiction… (Rachi sur Deut XXI, 11). Comment comprendre une telle tolérance, qui semble être la porte ouverte à toutes les tentations ? Faudrait-il, par exemple, déclarer Cacher un aliment qui ne l’est pas, si l’on est irrésistiblement porté à le consommer, parce qu’on le mangera « malgré l’interdiction ». Le lecteur peut donc pressentir que ce sujet fait l’objet de très nombreux commentaires.
Un homme bigame ne doit pas, en matière d’héritage, privilégier son second fils issu de la compagne qu’il préfère, au détriment de son fils aîné, mis au monde par l’épouse mal aimée. L’aîné a en effet droit à une double part.
La législation dite du « fils rebelle », conduit à la mort par ses père et mère, pose également de nombreux problèmes de compréhension. « Le fils dévoyé et rebelle est frappé de mort préventivement, car la Tora a pénétré la psychologie d’un tel enfant… « Qu’il meure innocent plutôt que de mourir coupable » (Rachi sur Deut XXI, 18). Que devient la Techouva (« repentir »), possibilité donnée à tous ? On pense au film « Minority Report », où les « criminels » sont neutralisés avant même d’avoir commis leur forfait, déjà coupables par prédiction.
2) Obligation de restituer à son propriétaire un objet perdu.
Interdiction pour un homme de porter un vêtement de femme, et, inversement, pour une femme de porter un habit masculin.
H’oq (« loi dont le sens nous dépasse ») dit du « nid d’oiseau ».
3) Obligation (sécuritaire) de construire un parapet sur le toit d’une nouvelle maison.
Interdiction de porter sur soi un vêtement tissé de laine et de lin ensemble (Hoq).
Obligation des tsitsit à suspendre aux quatre coins d’un vêtement.
Diverses infractions sexuelles.
Catégories de personnes ne pouvant épouser un juif ou une juive, dont le Mamzer (2).
4) Prohibition de la prostitution féminine ou masculine. Curieusement, un prostitué se dit Qadech et une prostituée, Qedecha, en hébreu. Ces termes de rapprochent de Qadoch qui désigne la sainteté. La prostitution n’est-elle pas l’antithèse de la sainteté ? (3)
Prohibition du prêt à intérêt.
Obligation de respecter les engagements que l’on prend verbalement.
5) Législation sur le divorce.
6) Interdit du rapt.
Défense de la médisance, exprimée sur un mode mémoriel (devoir de mémoire de ce que D.ieu a fait à Myriam lorsqu’elle médit au sujet de Moïse (4).
Diverses lois sociales.
7) Obligation de ne pas différer le paiement du salaire d’un journalier.
Lois de solidarité sociale.
« Les pères ne mourront pas pour les enfants et les enfants ne mourront pas pour les pères, chacun mourra pour son propre péché » (Deut XXIV, 16) : ce principe de la responsabilité personnelle de nos actes est ici énoncé clairement.
Législation relative à la peine de Malqout (5) (« flagellation »).
Loi dite du lévirat (Yibboum, en hébreu) : en cas de décès d’un homme marié sans enfant, le frère de cet homme devait épouser sa belle-sœur, afin d’assurer une descendance à son regretté frère. « Et ce sera l’aîné, si elle enfante, qui succèdera au nom de son frère défunt, et ainsi, son nom ne sera pas effacé d’Israël. » Très beau texte qui nous rappelle le désir d’immortalité qui tenaille l’humain à travers le désir d’enfant.
Le verset 12 constitue une preuve de plus de l’importance de l’interprétation du texte écrit par la Loi orale : on ne tranchait pas la main de la femme (comme celle du voleur en Arabie Saoudite), mais elle devait indemniser la victime pour la honte qu’elle lui avait fait subir.
Interdiction de tricher dans les poids et les mesures.
Maftir : Devoir de mémoire de ce que nous a fait ‘Amaleq : ce passage est lu chaque année le Chabbat qui précède la fête de Pourim, Haman étant un descendant d’Amaleq, et constitue la lecture de la Tora la plus importante de l’année. Elle est en effet la seule lecture à relever d’un commandement biblique, D.ieu nous enjoignant de ne jamais oublier les résurgences antijuives à chaque époque. Si une personne a omis la lecture de ce texte le samedi précédant Pourim, et donc n’a pas accompli le commandement susmentionné, elle peut s’en acquitter en écoutant la fin de Ki Tetsé, à condition de demander au ministre-officiant de bien penser à l’acquitter de cette Mitsva lors de sa lecture.
Le lien Haftara-Paracha :
Haftara de consolation. On lit la même Haftara que celle de la Parachat Noah’.
Etincelles de mémoire :
« L’argent n’a pas d’odeur », est un adage souvent employé pour stigmatiser ceux qui ne s’inquiètent pas de connaitre la provenance d’argent douteuse. Au verset 19, chapitre XXIII, il est question de la défense d’apporter une offrande au Temple, provenant (on dirait « financée », de nos jours) du salaire d’une prostituée ou du prix de vente d’un chien. Rachi donne l’exemple d’un agneau donnée à une prostituée par un « client », que l’on souhaiterait offrir en sacrifice. La Halakha dénonce l’accomplissement d’une mitsva rendu possible par une transgression préalable. Le Talmud donne l’exemple d’un homme qui prélève la h’alla en récitant la bénédiction appropriée, sur une pâte provenant d’une farine volée. Le H’afets H’aïm cite l’employé qui réalise une mitsva pendant l’exercice de son travail, volant ainsi du temps de travail à son employeur.
Etincelles de réflexion :
Si la prostituée et le prostitué ont la même racine hébraïque que Qadoch, qui désigne la sainteté (6), c’est parce que la Qedoucha renvoie à la notion de consécration, de séparation. La prostitution est une forme de consécration de son corps à la débauche. Ce qui nous permet d’affiner la notion de sainteté aux contours souvent flous. Lorsqu’on épouse une femme, avant de glisser l’anneau à son doigt, le futur marié prononce une phrase qui commence par les mots Haré at Méqoudéchet li… « Te voici consacrée à moi… (Commentaire inspiré de celui de Rachi sur le verset 18 au chapitre XXIII).
(1) L’étude du rapport entre ces lois constitue, en soi, un sujet passionnant. Rachi explique souvent les liens de causalité qui unissent ces différents thèmes.
(2) Enfant issu d’un inceste ou d’un adultère.
(3) Voir « Etincelles de réflexion ».
(4) Voir la fin de la Parachat Béha’alotkha, dans Bemidbar.
(5) Le délinquant se voyait infliger 39 coups de fouet, sauf si son état de santé ne le permettait pas (selon la Loi orale).
(6) Voir 4ème montée.
Voir aussi
Parasha Ki Tetse
Que tes jours se prolongent…
Souviens-toi d’Amaleq