De l’État à l’état civil
Loi divine et loi humaine, loi orale et loi écrite
Les versets Nombres 30, 1 et 2 utilisent des formulations différentes :
1 Moïse dit aux enfants d’Israël tout ce que l’Eternel lui avait ordonné.
2 Moïse parla aux chefs des tribus des enfants d’Israël, et dit: « Voici ce que l’Eternel ordonne ».
La seconde, qui ouvre la parasha Matot, fait de Moïse la source de la loi. Cela signale que ce qui suit, la fin du livre des Nombres, adapte les lois divines aux institutions humaines.
Ainsi en Nombres 31, Moïse fait exterminer les Madianites, coupables d’avoir perverti les enfants d’Israël : doivent être seuls épargnés les enfants et les filles vierges. Le pays de Madian, (מִדַיָן, MDYN), est celui du juge, Dayan, DYN. Après avoir tué l’Égyptien, Moïse s’était enfui en Madian. Il arrive que des enfants naissent de viols ou d’entreprises de séduction, d’un sexe ou l’autre : l’état civil doit « oublier » ces circonstances et accepter les déclarations faites devant le juge. Nos arbres généalogiques sont-ils tous biologiquement véridiques ? Plus généralement, notre nom est celui de notre lignée « agnatique », paternelle ; ce faisant, nous effaçons notre mère et les mères de nos pères. Sur le « péché originel », la loi de Moïse fait délibérément silence.
Encore faut-il qu’il y ait une mémoire écrite et attestée. Pour une filiation enregistrée par un juge, combien y en a-t-il qui ne le sont pas ? C’est pourquoi le chapitre 32 accepte que les tribus de Gad et de Ruben et la demi-tribu de Manassé restent en-deça du Jourdain (יַרַדֵּן, YRDN,Yarden), comme les couples « qui ne passent pas devant le juge ». Les frontières géographiques sont elles aussi conventionnelles : qui est sûr, non seulement des dates, mais aussi des pays dans le ressort desquels nous et nos ancêtres biologiques avons été conçus ?
De même le chapitre 33 (parasha Massei) retient un itinéraire « officiel », écrit, de la Traversée du Désert (Nombres 33, 2) :
« Moïse écrivit (וַיִּכְתֹּב מֹשֶׁה, WYKTB MSH, Vayketov Moché) leurs marches de station en station, d’après l’ordre de l’Eternel »
Ce que les biographies et épitaphes retiennent de la vie de chacun n’est qu’un pâle et complaisant résumé de ce que D’ en sait.
Voir aussi
Des tribus dissidentes
Questions sur les Maccabées (question 2)
Le refuge de l’âme par Clémence Boulouque
Montées de « Mattot »
Montées de « Masséi »
Lectures de « Mattot-Masséi »