Montées de « Qedochim »
Tu aimeras pour ton prochain ce que tu aimeras pour toi-même
1) – Dieu ordonne à Israël d’être « saints ». Selon Rachi, il s’agit de maîtriser nos pulsions sexuelles susceptibles de nous conduire à des rapports charnels proscrits par la Tora.
– Crainte révérencielle des père et mère et observance du Chabbat. La juxtaposition de ces deux lois, a priori sans rapport, signifie que l’obéissance aux parents s’arrête là où commence l’autorité de Dieu, qui s’impose aux parents comme aux enfants. Toutefois, les enfants, même lorsqu’ils ne peuvent exécuter l’ordre de leurs parents contraire à la Tora, doivent le faire respectueusement, en leur expliquant la raison de leur refus.
– Lois « sociales », pratiquées en Erets Israël, telles que laisser un coin de son champ à la disposition des nécessiteux (Péa).
– Interdits du vol, du faux serment, de la rétention du salaire d’un journalier. Ne pas maudire un sourd et ne pas placer une embûche devant un aveugle : Rachi explique que de l’interdiction de maudire un sourd, alors qu’il n’est pas affecté par nos propos puisqu’il n’entend pas, l’on peut déduire, a fortiori, combien il est important de prendre garde à ne pas blesser quelqu’un qui entend nos paroles désobligeantes. Quant à l’aveugle, il s’agit de celui qui est perplexe, indécis, et qui nous demande conseil. Placer un obstacle devant lui, c’est l’induire en erreur par un mauvais conseil. Plus largement, c’est amener un juif à commettre une faute, connaissant sa vulnérabilité religieuse dans ce domaine. C’est, par exemple, servir une nourriture non Cacher à une personne qui ne mange pas Cacher, l’incitant ainsi à la transgression en lui en facilitant la commission .
2) Devoir d’impartialité des juges ; interdictions de colporter ; infraction de non-assistance à personne en danger ; interdiction d’haïr son prochain et devoir de le reprendre si on le voit commettre une faute (1) ; Ne pas se venger ni garder rancune ; aimer son prochain comme soi-même (voir « Etincelles de réflexion ») ; interdiction de porter un vêtement fait de lin et de laine (interdit de Cha’atnez). Curieusement, peu d’entre nous sont sensibles à cet interdit ‘2).
3) Loi de ‘Orla (toujours en vigueur, en Israël comme en diaspora) prohibant la consommation des fruits des arbres fruitiers, durant les trois premières années de leur plantation. Cette loi a inspiré l’usage de la coupe des cheveux des garçons à l’âge de trois ans. Interdictions, toujours valables, de se raser les extrémités de la chevelure et de se raser les coins de la barbe (à la lame) ; prohibition du tatouage. « Lève-toi devant une tête blanche, et honore la personne du vieillard… » (Lévit XIX, 32) : ce verset fonde le respect des personnes âgées et des maîtres en Tora.
4) Aimer l’étranger qui réside en Israël ; honnêteté dans le commerce (notamment, par l’utilisation de balances et de poids exacts).
5) Réitération du grave interdit du Moloch, réprimé sévèrement par Dieu. Ce culte ne connait-il pas une traduction moderne dans toutes les idéologies qui instrumentalisent les enfants au nom d’une cause prétendument sacrée ? Prohibition de la consultation de nécromanciens et de devins. Religion et superstition sont inconciliables.
6) Réitération des unions illicites déjà énumérées dans la section précédente Ah’aré-Mot. Les lecteurs attentifs observeront qu’ici, il s’agit des peines encourues par le délinquant, alors que dans la Paracha précédente, il s’agissait des infractions. Les juristes auront reconnu le principe de légalité des délits et des peines, qui requiert des textes écrits qui fondent tant les incriminations que les sanctions, prévention contre l’arbitraire du juge.
7) Comme dans Ah’aré-Mot, la vocation singulière d’Israël est rappelée, Dieu lui enjoignant d’adopter des mœurs différentes. La Kedoucha (« sainteté »), désigne ainsi la séparation, la différenciation entre le peuple juif et les nations.
Le rapport Haftara-Paracha :
Ezéchiel stigmatise ses contemporains, qui dénigrent les lois mosaïques évoquées par notre Paracha, et, en particulier, le Chabbat cité plusieurs fois. Revient également à plusieurs reprises, l’expression de notre Paracha, au sujet des commandements de Dieu, dont la finalité est qu’Israël « vive par eux », au lieu de se laisser séduire par les mœurs mortifères communes aux égyptiens et aux cananéens.
Etincelles de réflexion :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » (Lévit XIX, 18). Ce verset, peut-être le plus célèbre de la Bible, est aussi le plus mal traduit. Le lamed (=pour) préfixe de réakha (=ton prochain), conduit à traduire : « Tu aimeras pour ton prochain comme (pour) toi-même ! », traduction beaucoup plus réaliste, car aimer autant son prochain (qui peut être totalement étranger à sa famille ou à ses amis) que soi semble relever de l’utopie. L’on comprend mieux, que, dans la bouche du grand maître Hillel (3), ce verset soit devenu : « Ce que tu détesterais que l’on te fasse, ne le fais pas à autrui ! ». Il s’agit donc de désirer pour l’autre ce que l’on désire pour soi, et de ne pas infliger à l’autre ce que l’on ne voudrait pas que l’on nous fasse subir.
Au verset 17 du chapitre XX, du Lévitique, le verset qualifie curieusement l’une des unions illicites, en l’occurrence, celle d’un demi-frère et d’une demi-sœur, d’acte de H’essed, c’est-à-dire, de « bonté ». Le Ba’al Shem Tov (4), explique que toute relation d’amour, même contraire aux bonnes mœurs, est, dans son essence profonde, un acte de bonté, c’est-à-dire, de don de soi, de don à l’autre, d’échange, mais qu’elle peut être, lorsqu’elle est mal orientée, pervertie comme c’est le cas ici. Rachi propose deux autres réponses :
1) H’essed serait un aramaïsme, c’est-à-dire, un terme araméen emprunté par le texte biblique, qui signifie « honte ».
2) Le ‘Hessed, acte de bonté auquel fait allusion le verset, est celui de Caïn, qui épousa sa sœur pour « construire le monde », car il n’existait pas, alors, d’autres femmes. Son comportement fut donc légitime et même salvateur pour l’avenir de l’humanité. En revanche, les descendants de l’auteur de cet inceste, ne peuvent se prévaloir du même argument.
(1) Maïmonide, dans le Mishné Tora, interprète également cette injonction par le fait de ne pas se comporter hypocritement, en cachant la ou les raisons de l’inimitié que l’on ressent pour une personne. Il faut lui dire en toute sincérité ce qu’on lui reproche.
(2) Des personnes sont spécialisées dans la recherche de Cha’atnez, vérifiant méticuleusement l’absence de mélange de lin et de laine dans les vêtements qui leur sont confiés.
(3) Hillel (70 av. è.c-10 è.c).
(4) Israël ben Eliézer (1698-1780). Fondateur du Hassidisme.
Etincelles d’action :
En réponse à une question qui m’a souvent été soumise :
« Ne te venge ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple, mais aime ton prochain comme toi-même : je suis l’Eternel. » (Lévitique, 19, 18).
« Quant aux malveillants qui prétendent que notre législateur ne nous recommande que l’amour du coreligionnaire, nous leur répondrons d’abord que ce législateur est Dieu, et que le créateur du genre humain veut nécessairement l’amour du genre humain.
Nous les renverrons ensuite au verset 34 ci-après et au Deutéronome 10, 18-19, qui ordonnent formellement l’amour de l’étranger ; puis à la Genèse (9, 5) où, dès les temps primitifs, huit cent ans avant la loi du Sinaï, le Dieu de la Bible proclamait tous les hommes FRERES… Enfin, nous leur citerons cette belle interprétation des rabbins (Abbôth de R. Nathan, fin du chapitre 16) : « Aime ton prochain comme toi-même, car je suis l’Eternel », qui l’ai créé comme je t’ai créé. »
Grand Rabbin Lazare Wogue.