Montées de « Tazria »
1) Holocauste et H’attat des parturientes (femmes qui viennent d’accoucher). Impureté au sens d’éloignement de la femme de son époux, du Temple et des sacrifices, après l’accouchement, dont la durée variait selon qu’elle accouche d’un garçon ou d’une fille. Par impureté il faut entendre « éloignement » de son époux, du Temple et des sacrifices.
Législation (complexe) des plaies entraînant l’impureté de celui ou celle qui était atteint. Selon le degré de blancheur et l’évolution de la plaie, le prêtre décrétait le « malade » pur ou impur.
2, 3, 4, 5) Suite de la législation des plaies, affectant la chair ou les poils.
6} Le prononcé de l’état d’impureté conduisait à l’isolement de l’intéressé(e).
Législation des plaies atteignant les vêtements.
7} Suite et fin des lois concernant les plaies touchant les vêtements.
« La vie et la mort sont au pouvoir de la langue » (Proverbes 18, 21)
En matière de médisance, le discours incantatoire est inopérant. Si l’on met de côté le « religieusement correct », osons dire que l’on a, en effet, toujours de bonnes raisons de dire du mal d’autrui. Outre le plaisir que cela nous procure, même si un sentiment de honte et de culpabilité nous envahit souvent peu après, médire crée du lien entre ceux qui y participent. Elle est une façon de se reconnaître dans des valeurs communes que ne partagerait pas la personne objet de nos critiques. Elle exprime également une peur de la différence, en nous rassurant sur notre normalité. La médisance est aussi une manière de se rebeller contre l’autorité, notamment dans le monde des entreprises, représentant une sorte d’exutoire.
La tentation est telle que le Talmud considère, qu’avec les pensées impures et le manque de dévotion dans la prière, la médisance constitue l’un des trois péchés auxquels aucun homme n’échappe quotidiennement.
Si bien que même les personnes les plus éminentes y cèdent. Miriam la prophétesse, n’est-elle pas la seule figure citée dans le Pentateuque à avoir été punie pour avoir critiqué, de surcroît à juste titre, son frère Moïse ?
La tradition juive ajoute à la difficulté de s’en prémunir, en en élargissant le spectre bien au delà de la calomnie ou de dénonciations destinées à nuire à ses rivaux. Elle qualifie de délit sévèrement sanctionné par Dieu, les racontars les plus anodins, visés dans un des versets bibliques à l’origine de cet interdit : « Ne va point colportant le mal parmi les tiens… » (Lévitique 19, 16).
C’est au ‘Hafets‘Haïm (rabbin Israël Méïr Ha-Kohen Kagan, 1838-1933) que l’on doit l’étude la plus complète sur le sujet, dans son ouvrage Chemirat ha-lachon (« La surveillance de la langue »). Sa lecture nous donne à penser la légèreté qui caractérise l’usage que nous faisons de notre langage, ainsi que la complexité d’un sujet si galvaudé dans nos sociétés d’ « hyper communication ».
La réflexion de nos sages quant au caractère mortifère du lechon ha-ra’ (« médisance ») s’oriente dans deux directions. La première, socialisante, s’appuie sur l’atteinte portée par les propos médisants au tissu social, en s’inspirant de la « lèpre » dont il est question dans le Lévitique (péricopes Tazri’a et Metsora’). Sa mise à l’écart du peuple était sa juste punition pour avoir séparé de la communauté l’individu dévalorisé par ses propos (1). L’orgueil, symbolisé par les taches blanches de la dite lèpre (le blanc représentant généralement la pureté, et donc l’innocence du médisant) étant souvent le moteur de la médisance, un sentiment de suffisance nous empêchant de voir nos propres travers plutôt que de relever ceux des autres, le processus de purification comportait des éléments symbolisant l’humilité (2). Paradoxalement, une autre cause de la médisance est à déceler dans l’échec de l’affirmation de soi. La lèpre enlaidit celui qu’elle affecte, parce que ce dernier ne s’estime pas. Il a besoin de se comparer pour exister. Surtout, le lechon ha-ra’ est comparé au meurtre dans le Talmud, dans la mesure où son auteur, d’une part, réduit la personnalité de la victime à ce qu’il en dit, et, d’autre part, présume de son incapacité à changer. En le figeant dans ce qu’il est au moment où il en parle, il le tue symboliquement, l’homicide mettant fin à toute possibilité d’évolution.
C’est toutefois avec la seconde approche, ontologique, que nous souhaiterions conclure. La parole se voit conférée par les sages d’Israël une puissance insoupçonnée. Le monde n’a-t-il pas été créé par la Parole ? Le Maharal de Prague (1520 env.-1609), se fondant sur la traduction araméenne du verset 7 au chapitre 2 de la Genèse, définit essentiellement l’être humain comme un être doté du langage. « L’Eternel-Dieu façonna l’homme, poussière détachée du sol, fit pénétrer dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant ». Or, le célèbre prosélyte Onqelos (IIème siècle de l’ère chrétienne) traduit en lieu et place d’ « un être vivant », « un être parlant ».
Le langage étant à la conjonction de la pensée, qu’elle exprime, et du corps, puisqu’elle émane des organes de la phonation, c’est tout l’être humain qui se trouve contenu en elle.
Celui-ci se définissant d’abord et avant tout comme un être de relations, la parole, selon le Maharal, n’est pas seulement un outil de communication parmi d’autres, mais elle est ce qui permet d’approcher au plus près ce qu’est la personne humaine. Il en résulte que la médisance, c’est-à-dire, la perversion du langage, ne détruit pas uniquement ceux vers lesquels elle est dirigée, mais commence par abîmer son émetteur. Le mésusage de sa parole corrompant le principe même de ce qui le fonde en son humanité.
1 Voir le commentaire de Rachi sur Lévitique 13, 46.
2 Voir l’exégèse de Rachi sur Lévitique 14, 4.
Voir aussi
Lectures de « Tazria-Metsora » (GRJO)