Montées de « Vayetsé »
Cette parasha détaille les naissances des fils de Jacob.
1– 1) Jacob quitte Béer Chéva’ pour se rendre à H’aran. En route, il fait le fameux rêve de l’échelle, dont l’interprétation a fait couler beaucoup d’encre (au moins autant que la ligature d’Isaac). Le Traité Bérakhot du Talmud de Babylonie, traduit et consacre plusieurs pages à l’oniromancie (pages 55a à 57b) : Il en ressort que nos rêves ne sont pas à prendre à la légère, parce que, même s’ils sont rarement prophétiques, ils révèlent des aspects de notre personnalité et jouent un rôle d’interpellation quant à nos choix de vie. Jacob prie Dieu de lui permettre de revenir sain et sauf à la maison paternelle, et s’engage à donner la dîme de tous les biens que Dieu lui accordera. (Certains décisionnaires y voient l’origine de la loi dite de « dîme des revenus » (ma’asser késafim), qui nous enjoint de reverser à des œuvres un dixième de nos revenus, après déduction des impôts, notamment…).
2) Jacob rencontre sa future épouse, Rachel, prés d’un puits. Le père de Rachel, Lavan, qui a une fille aînée, Léa, propose à Jacob de travailler pour lui en échange d’un salaire qu’il lui revient de déterminer.
3) Jacob, amoureux de Rachel, demande sa main en échange de sept années de travail. Lavan accepte. Après ces sept années, Lavan trompe Jacob et met Léa dans son lit au lieu de Rachel. Reportez vous à Rachi en Genèse 29, 25, afin de comprendre comment Jacob a pu confondre les deux sœurs. Son commentaire a probablement inspiré la nouvelle de Stefan Zweig (1881-1942) « La prière de Rachel », dont je vous recommande vivement la lecture. Devant la réaction indignée de Jacob, Lavan lui propose de lui donner Rachel au terme de sept jours s’il consent à travailler sept années de plus, ce qu’accepte Jacob. Ce dernier reçoit également les servantes de Rachel et Léa, Zilpa et Bilha. L’on assiste à la naissance des pères des douze tribus. Alors que Rachel était stérile, Léa enfante : Réouven, Shim’on, Lévi et Yéhouda. L’on apprend au passage que les noms hébraïques ont tous une signification puisque Léa justifie à chaque fois son choix du nom, justification qui se retrouve dans ce nom. Rachel désespère d’avoir un enfant. Bilha, la servante de Rachel, engendre Dan et Naphtali. Zilpa, servante de Léa, met au monde Gad et Acher.
4) Rachel offre une nuit à Léa avec Jacob, en échange de mandragores (ou de jasmin, selon Rachi) trouvées par Réouven, l’aîné de Léa. Issakhar naîtra de leur union. Léa a un sixième et dernier garçon, Zevouloun, avant d’avoir une fille qu’elle nomme Dina. « Dieu se souvient de Rachel » et lui donne Joseph. Jacob demande alors à Lavan l’autorisation de le quitter pour retourner chez lui. Lavan souhaite le rémunérer avant son départ.
5) Miracle des agneaux rayés, pointillés et mouchetés, qui enrichit considérablement Jacob et suscite la jalousie de Lavan et ses enfants. Jacob, qui perçoit ce changement de disposition de Lavan à son égard, décide de s’enfuir de chez Lavan, après avoir demandé à Rachel et Léa si elles consentent à le suivre, ce qu’elles font.
6) Lavan part à la poursuite de Jacob. Rachel vole les pénates (idoles ?) de son père. Ce dernier fouille la tente de Jacob, en vain, Rachel les ayant dissimulées dans la selle de son chameau. Dialogue houleux entre les deux hommes.
7) Jacob et Lavan concluent une alliance qui les sépare au lieu de les unir (paradoxe).
Le lien avec la Haftara :
Evocation par le prophète Oséé (Hochéa’, VIIIème siècle avant J.C., premier livre des douze Petits Prophètes) de la vie de Jacob. A la fin de la Haftara, il est question de Gil’ad, qui signifie la même chose que Gal’éd, lieu de l’alliance conclue entre Lavan et Jacob.
Etincelles de mémoire :
– « Juif », Yehoudi en hébreu, s’origine dans cette Paracha, et vient de Yehouda, quatrième fils de Léa, nommé ainsi en reconnaissance à Dieu. Savoir remercier, rejeter l’ingratitude, seraient donc des comportements qui nous définissent en tant que juifs.
– Le terme « benjamin » qui désigne le dernier né d’une famille, provient de notre Paracha, avec la naissance de Binyamin/Benjamin, issu de Rachel, dernier né de la famille de Jacob.
Etincelles de réflexion :
– La « concurrence » entre les femmes de Jacob, suggérée par le rythme du récit des naissances successives, peut surprendre le lecteur, étonné de voir les matriarches se comporter de la sorte, Jacob transformé en « jouet sexuel » (et l’on ose dire que le judaïsme est un patriarcat). La lecture de nos Sages est toute autre : ces femmes prophétesses ont la conviction de donner naissance aux fondateurs des douze tribus d’Israël, et s’efforcent d’y contribuer dans la plus large part possible.
– Rachi explique ainsi le choix du nom donné par Léa à sa fille, Dina : Dina vient de Din, qui signifie « jugement », en hébreu. Un peu de mathématiques : Léa se serait jugée elle-même, alors qu’elle était enceinte d’un septième enfant mâle. Rachel ayant eu un seul enfant, Joseph, et les servantes, Bilha et Zilpa, en ayant eu quatre (deux fils chacune), Léa a réalisé que si l’enfant qu’elle portait s’avérait être un garçon, Rachel n’aurait même pas deux garçons comme les servantes, étant donné qu’il ne pouvait naître que douze fils pour les douze tribus. Elle demanda à Dieu de modifier le sexe de son fœtus afin de mettre au monde une fille, Dina, laissant ainsi Rachel donner le dernier garçon, Binyamin. Nous retiendrons l’amour d’une sœur qui ne supportait pas l’idée de voir rabaissée la dignité de sa sœur, qui était pourtant sa rivale.
Voir aussi :
Lectures de Vayetsé