Montées de « Vayera »
De l’annonce faite à Sarah jusqu’à la ligature d’Isaac.
1) Abraham et Sarah reçoivent trois hommes (anges) chez eux, qui leur annoncent la prochaine naissance d’un garçon. Sarah, alors très âgée, croit à une plaisanterie.
2 ) Dieu reproche à Sarah de douter de Son omnipotence. Abraham prend la défense de Sodome et Gomorrhe, que Dieu a résolu de détruire en raison de l’immoralité de ses habitants. C’est le fameux « marchandage » d’Abraham, qui suppose la présence de justes dans ces villes, susceptibles de les protéger du décret divin.
3) Loth (le neveu d’Abraham, qui habite Sodome) accueille deux envoyés de Dieu chez lui. Tous les habitants de la ville se massent autour de sa maison, réclamant qu’on leur livre ces étrangers (afin de les violer. Voir commentaire de Rachi sur Genèse XIX, 5). Loth leur propose ses filles à la place. Les habitants refusent et molestent Loth qui ne doit son salut qu’à l’intervention de ses invités. Ces derniers informent Loth de leur intention d’anéantir ces lieux de perdition et lui recommandent de fuir avec tous les siens (femme, enfants, gendres). Ses gendres le tournent en dérision. Loth s’enfuit avec son épouse et ses filles, escortés par ses hôtes qui le mettent en garde contre la tentation de jeter un regard en arrière en quittant la ville.
4) Dieu ravage les villes de Sodome et Gomorrhe, pendant que Loth, son épouse et leurs deux filles s’enfuient. La femme de Loth devient statue de sel, ayant cédé à la tentation de se retourner (jetez un regard dans le commentaire de Rachi sur ce verset 26 du chapitre 19, et vous comprendrez pourquoi le sel). Les filles de Loth pensant qu’il n’y avait plus d’homme sur terre (Dieu aurait réédité un nouveau déluge de soufre et de feu), couchent, chacune à leur tour, deux nuits successives, avec leur père. Elles engendreront chacune un fils qui donnera deux ethnies qui porteront leurs noms : Moab et Amon.
Abraham et Sarah revivent avec Avimelekh ce qu’ils ont déjà connu avec Pharaon (se reporter à la 2ème montée de Lekh Lekha) : enlèvement de Sarah qui se fait passer pour la sœur d’Abraham, intervention divine contre Avimelekh et restitution de Sarah à son époux.
Après qu’Abraham ait prié pour la guérison d’Avimelekh, de son épouse et de ses servantes, qui ne pouvaient plus avoir d’enfants, et qu’il ait obtenu satisfaction, Dieu « se souvient » de Sarah et lui donne un fils, qui sera dénommé Itsh’aq. [Abraham avait conscience plus que n’importe qui de la souffrance engendrée (sans jeu de mots) par un désir d’enfant qui ne vient pas. Il pouvait donc prier de tout son cœur pour la famille d’Avimelekh. Mais, en même temps, quelle difficulté à prier pour autrui, à faire passer la détresse de l’autre avant la sienne. Dieu l’aurait-il récompensé pour cela ? La fin de la stérilité de Sarah qui survient immédiatement après, laisse à le penser. Concernant la stérilité des matriarches, le lecteur est invité à consulter les très belles pages consacrées à ce sujet, dans l’ouvrage de Catherine Chalier, « Les Matriarches ».]
5) Circoncision d’Its’haq à huit jours. Expulsion d’Ichmaël et de sa mère, Hagar, par Sarah, en raison d’un comportement fautif (le verset est tout sauf explicite : reportez-vous aux éclaircissements de Rachi sur le verset 9 du chapitre 21) du demi-frère d’Itsh’aq. Abraham obéit à Sarah après que Dieu le lui ait demandé. Un ange sauve la mère et son fils menacés de mourir de soif et prédit qu’Ichmaël deviendra « une grande nation ».
6) Alliance entre Abraham et Avimelekh.
7) Passage célèbre dit de « la ligature d’Itsh’aq » (‘Aqédat Itsh’aq), la plus terrible des épreuves d’Abraham (au nombre de dix, selon la Tradition). Dieu demande à Abraham de Lui offrir le fils unique de Sarah, avant d’arrêter son geste au moment ultime. Ce récit a fait et continue de faire l’objet de très nombreux commentaires. Il faut avoir à l’esprit ce que cet enfant tant désiré, seul héritier et vecteur des bénédictions promises par Dieu à Abraham, représentait pour ses parents, et imaginer la souffrance morale ressentie par Abraham face à une telle injonction. Le lecteur non hébraïsant est invité à se procurer « La voix de la Torah », d’Elie Munk sur le Pentateuque, qui, malgré son ancienneté, demeure le nec plus ultra des commentaires.
Naissance de Rébecca (Rivka), petite-fille du frère d’Abraham, Nah’or.
La Haftara et son rapport avec notre Paracha :
Récit de trois miracles accomplis par le prophète Elisée (Elicha’), successeur du célèbre prophète Elie, (Eliyahou), vers le 9ème siècle avant J.C. Le second prodige de la naissance (la ressuscitation d’un enfant mort, rapportée dans la suite de la Haftara lue par les Achkénazim, certainement afin de ne pas conclure avec la mort de cet enfant tant attendu, constitue le troisième miracle) fait lien avec notre Paracha puisque Elisée promet à une bienfaitrice, dont le mari était âgé et qui désespérait de pouvoir engendrer un jour, la naissance prochaine d’un enfant. La promesse se réalise. Ce « scénario » reproduit celui d’Abraham et Sarah, narré dans les 1ère et 4ème montées de la Paracha.
Etincelles de mémoire :
Sodome et Gomorrhe sont restées les symboles de la décadence d’une civilisation jusqu’à nos jours. Quant à la ligature d’Isaac, elle a inspiré de nombreux artistes. Je vous recommande la visite du musée Chagall à Nice, qui compte parmi ses toiles réputées, un tableau particulièrement évocateur de cette dixième et ultime épreuve d’Abraham.
Etincelles de réflexion :
1) L’hospitalité, dans ce qu’elle a de meilleur et de pire, constitue l’un des enseignements de cette Paracha. Le meilleur, c’est Abraham qui demande à Dieu de patienter pendant qu’il se soucie des trois voyageurs. Le Talmud en déduit la primauté des hommes sur Dieu : « plus grande est l’hospitalité que la réception de la Présence divine ». Le pire, c’est Loth qui, au nom de cette hospitalité, est prêt à sacrifier ses filles pour des étrangers.
2) « Elles firent boire du vin à leur père cette même nuit ; la fille aînée coucha avec son père, et il ne le sut point lorsqu’elle se coucha ni lorsqu’elle se leva » (Genèse XIX, 33).
Est-il imaginable que l’on soit ivre au point de ne pas réaliser que l’on a des rapports sexuels avec ses propres filles ? Rabbi Moché Cordovero (1522-1570), plus connu sous son acronyme RaMaQ, grand Kabbaliste à Safed, au XVIème siècle, propose une réponse originale : Loth savait ce qu’il faisait, mais il n’imaginait pas les conséquences positives de cet inceste, à savoir, que les peuples de Moab et d’Amon qui en seraient issus, donneraient bien plus tard le Messie « fils de David », par l’entremise de Ruth la Moabite, ancêtre du roi David. Nous ne mesurons pas toujours les conséquences de nos actes.
Voir aussi
Lectures de « Vayera » (GRJO)
Shabbat Vayera
Intervention divine