Montées de « Pin’has »
Constitution du peuple d’Israël : les Prêtres, l’héritage, la succession de Moïse, le calendrier rituel
1) Pin’has se voit récompenser par Dieu, pour son geste, certes violent, mais salutaire pour le peuple, en recevant le titre de prêtre, transmissible à ses descendants. L’énigme n°1 de la Paracha : Pourquoi Pin’has n’était-il pas Cohen, puisqu’il l’est devenu par la volonté divine suite à son acte salutaire pour la collectivité, alors qu’il était le fils d’Ela’zar, lui-même fils et successeur à la grande prêtrise, d’Aaron. Or, tous ceux qui descendent d’Aaron, encore de nos jours, sont Cohen ? Enigme n°2, beaucoup plus ardue : Si vous observez le Vav du mot Chalom (« C’est pourquoi tu annonceras que je lui accorde mon alliance de paix/Chalom. Verset 12 du chapitre 25) dans n’importe quel Sefer Tora , vous réaliserez qu’il est coupé. Or, une telle coupure rend Passoul (« invalide ») un rouleau de la Loi. On apprend les noms des provocateurs tués par Pin’has : Zimri fils de Salou, chef de famille paternelle des Siméonites, et Kozbi fille de Tsour, chef des peuplades d’une famille paternelle de Madian. Dieu demande à Moïse d’attaquer en représailles les Madianites. Curieusement, Il ne demande pas de s’en prendre aux moabites, alors qu’elles ont été les principales instigatrices de la débauche et de l’idolâtrie. Rachi justifie que Moab soit épargné au nom du futur : la naissance de Ruth la moabite. Recensement des enfants d’Israël, mâles âgés de vingt ans et plus.
2) Recensement et dénombrement de toutes les familles des tribus. Le compte total donna 601.730 hommes.
3) Partage du pays entre les tribus, par tirage au sort, qui donnait des lots dont la superficie était adaptée au nombre de celle-ci. Une manière de démontrer que le hasard n’existe pas, ou, comme le disait Einstein, que « le hasard est le nom que Dieu se donne lorsqu’il veut passer incognito ». Recensement et dénombrement des familles de lévites. Lors de ces dénombrements, tous les hébreux qui avaient fait l’objet du recensement précédent dans le désert du Sinaï, étaient morts, suite à la faute des explorateurs, sauf Caleb et Yehochoua’. Les cinq filles de Tselofh’ad, de la tribu de Ménaché, qui n’avaient pas eu de fils, demandent à Moïse si elles peuvent hériter du territoire de leur père. Moïse consulte Dieu.
4) Dieu fait droit à leur demande, et érige du même coup, en règle de droit, le principe du droit à hériter au bénéfice des filles en l’absence de frères. Si le défunt ne laisse aucun enfant, l’héritage va à ses frères. S’il n’a pas non plus de frères, il va aux frères du père du défunt (oncles paternels). S’il n’y pas d’oncles paternels, il va aux plus proches parents du défunt. Dieu invite Moïse à scruter la terre promise du haut d’une montagne, puisqu’il n’y entrera pas. Moïse se soucie alors de sa succession. Dieu lui demande d’investir, de son vivant et publiquement, Josué.
5) Prescriptions des sacrifices quotidiens, de Chabbat et des néoménies (nouveaux mois).
6) Sacrifices de Pessah’, de Chavouot, de Roch Hachana (se trouve indiqué au passage, l’obligation de sonner du Choffar ce jour là) et de Kippour, avec ses mortifications et l’interdiction de travailler (mêmes interdits que le Chabbat).
7) Sacrifices des sept jours de Soukkot (offerts pour les soixante-dix nations, d’où le nombre de soixante-dix taureaux sacrifiés durant ces sept jours, selon un ordre décroissant) et de Chémini ‘Atseret.
La Haftara et la Paracha :
Succession du prophète Elie : Elisée (Elisha’), en écho à la succession de Moïse avec Josué, évoquée par notre section. Un autre rapport, qu’il serait trop long de développer ici, tient au fait que « Pin’has, c’est Eliyyahou », selon la Tradition. Allez déranger votre rabbin afin qu’il vous explique de quoi il retourne.
Remarque importante : Si la lecture de la Paracha de Pin’has tombe durant les trois semaines qui séparent le jeûne du 17 Tamouz, de Tich’a Bé’Av, On lit la Haftara Dibré Yirmiyahou. Pendant dix semaines, la Haftara n’a plus de rapport avec la Paracha : les trois semaines déjà mentionnées, et les sept semaines qui suivent. Ces Haftarot portent un nom, lié à leur message prophétique : celles des trois semaines sont des Pour’aniyyot (« Châtiments »), et celles des sept semaines suivantes, Neh’amot (« Consolations »).
Etincelles de mémoire :
Cette Paracha comporte de nombreux passages de sacrifices liés aux fêtes juives, que nous lisons dans nos synagogues à l’occasion de ces fêtes. Citons, par exemple, le texte de Roch H’odech (« nouveau mois ») ou, tous les jours, à deux reprises, les deux holocaustes du matin et de l’après-midi, remplacés aujourd’hui par les prières de Chah’arit et de Minh’a (cinquième montée). On trouve même le sacrifice supplémentaire du Chabbat, appelé Moussaf et remplacé aujourd’hui par la prière de Moussaf.
Etincelles de réflexion :
– Tous les noms des familles recensées dans la deuxième montée, comportent, sans exception, un Hé et un Yod. Rachi justifie cette présence de deux lettres du Tétragramme, nom le plus sacré de Dieu, par la volonté de Dieu d’attester que tous les enfants sont bien les enfants de leurs pères, et non, pour certains, des enfants de pères égyptiens qui auraient disposé des femmes hébreux. La fidélité conjugale (et ses implications familiales), constitue en effet une valeur juive fondamentale. Rav Moché Alchekh fait remarquer que la lettre Hé, qui apparait dans le mot Icha, « femme », vient avant la lettre Yod, qui se trouve dans Ich, « homme », dans chacun des noms de famille, afin de souligner le mérite des femmes, supérieur à celui des hommes, dans la fidélité à leurs maris, en Egypte. C’est, par ailleurs, grâce aux femmes, que le peuple d’Israël a pu se perpétuer malgré les dures conditions de l’esclavage, selon le Talmud (traité Sotta).
– Moïse emploie un qualificatif pour Dieu, au moment où il se préoccupe de son successeur, qui n’est pas courant : « Le Dieu des esprits de toute chair » (quatrième montée). Au-delà du commentaire de Rachi, j’ai trouvé une très belle interprétation du Qedouchat Lévi 1, Rabbi Lévi Itsh’aq de Berditchev (1740 env.-1810 env.), un grand maître hassidique 2, surnommé, « l’avocat d’Israël » 3, tant il cherchait constamment des circonstances atténuantes si ce n’est pour justifier, au moins pour relativiser les fautes de ses frères et sœurs juifs. Il enseigne que ce qualificatif signifie qu’il faut choisir un successeur qui Te ressemble, c’est-à-dire, qui prend en considération le fait qu’Israël est fait de chair, et donc avec des besoins qui rendent impossible un culte absolu et sans faille au Créateur. Selon le Qedouchat Lévi, c’est pour cette même raison qu’Abraham donna à manger et à boire aux anges venus lui rendre visite. Afin qu’ils prennent conscience que les hommes ne sont pas des anges. Moïse demanda donc à Dieu de nommer un guide qui sache juger favorablement son peuple, capable d’admettre sa fragilité et ses écarts, à même de prendre sa défense devant Dieu, plutôt que l’accabler.
1 Nom de son œuvre de commentaires sur la Tora.
2 Martin Buber, dans ses magnifiques « Récits Hassidiques », que je vous recommande vivement, lui consacre tout un chapitre.
3 En lisant son explication, vous comprendrez qu’il mérite largement ce surnom élogieux.
Voir aussi :
Lectures de « Pin’has »
L’héritage des filles
Vertu des femmes, vertu du peuple
Remarque :A partir de Pin’has , la lecture de la Torah est identique en Israël et dans la Diaspora