Montées de « Balak »
1) Balak, roi de Moab, s’inquiétant de l’approche des hébreux de son pays, s’allie à Madian (Midiane) et envoient chercher un « mercenaire » en la personne de Bil’am, renommé pour ses malédictions, dont ils espèrent qu’elles auront raison d’Israël. Dieu, au cours d’une apparition nocturne, interdit à Bil’am de les suivre.
2) Bil’am fait connaitre la décision de Dieu aux messagers. Balak insiste et envoie d’autres messagers, promettant la richesse à Bil’am. Cette fois, Dieu le laisse partir en lui précisant qu’il ne pourra pas agit différemment de ce que Dieu lui dictera de faire. Le Or Ha-Haïm explique ce « revirement » divin par la volonté divine de montrer, dans un premier temps, à Bil’am que c’est Lui qui décide ce que Bil’am peut faire, pour, dans un second temps, le laisser partir, afin que Bil’am n’imagine pas que Dieu a peur des pouvoirs de malédiction de Bil’am.
3) « Vision » de l’ânesse de Bil’am, qui perturbe la route de son maître, à cause d’un ange qui lui barre la route. « Vision », parce que les anges sont invisibles même aux hommes, donc à plus forte raison aux bêtes. Elle ressent cependant sa présence. Miracle de l’ânesse qui parle à son maître. L’ange se révèle à Bil’am, lui permettant de continuer sa route, après lui avoir rappelé qu’il ne pourra prononcer que les paroles que Dieu lui mettra dans la bouche. Balaq accueille Bil’am.
4) Première tentative de Bil’am de maudire Israël, qui se solde par un échec, au grand dam de son « employeur », Balak. Dieu place des bénédictions dans la bouche du prophète des nations. A chaque fois, des sacrifices sont pratiqués sur sept autels 1. Ces bénédictions méritent une étude approfondie tant elles sont remplies de significations quant à l’identité même du peuple juif.
5) Seconde tentative et nouvel échec.
6) Nouvel essai, qui n’ aboutit une fois de plus à rien, ou plutôt à une des plus belles bénédictions : « Qu’elles sont belles tes tentes, ô Jacob ! Tes demeures, ô Israël ! » (Nombres XXIV, 5). Rachi commente cette bénédiction comme étant justifiée par le constat que fit Bil’am du respect de l’intimité de chaque famille, les portes des tentes n’étant pas ouvertes l’une vis-à-vis de l’autre, « de sorte que personne ne pouvait regarder à l’intérieur de la tente de son voisin ». Balak, fou de colère et de déception, congédie Bil’am,
7) qui prophétise une dernière fois, mais à présent, non au sujet d’Israël, mais au sujet de différentes ethnies. Il évoque également, à mots couverts, l’époque messianique. Israël se livre à la débauche avec les filles de Moab, allant même jusqu’à se prosterner à leurs dieux. La colère de Dieu s’enflamme. 24.000 hébreux meurent d’une épidémie, qu’un geste vengeur stoppe. En effet, un homme, dont on apprendra par la suite, qu’il est le prince de la tribu de Shim’on, s’avança accompagné d’une Midianite, provoquant Moïse et tout le peuple. Pinéh’as, fils d’Ela’zar (fils d’Aaron), les transperça tous les deux avec une lance.
Le fil d’Ariane qui relie la Haftara à notre Paracha :
Haftara extraite de Michée, prophète contemporain d’Isaïe, qui reproche ses fautes à Juda. Il est ténu, car il tient à un verset par lequel le prophète Michée, Mikha, en hébreu, l’un des douze prophètes, stigmatise l’ingratitude des Judéens, qui ont oublié comment Dieu a déjoué les desseins malfaisants de Balak et de Bil’am, qui tentèrent de saisir les moments de colère divine, pour qu’elle se déverse sur son peuple. La dernière phrase de la Haftara gagne à être connue : « Homme, on t’a dit ce qui est bien, ce que le Seigneur demande de toi : rien que de pratiquer la justice et de marcher humblement (discrètement) avec ton Dieu ! ».
Etincelles de mémoire :
– Rachi observe, dans le début de Balak, que Moab et Madian étaient des ennemis jurés. Qu’est-ce qui les poussa dés lors à s’allier ? La haine d’Israël qu’ils avaient en commun. L’on pense ici aux pays arabes ennemis, qui font front commun lorsqu’il s’agit de condamner l’ « ennemi sioniste ».
– Bil’am était doté d’un « mauvais œil » redoutablement efficace, ce qui explique ses positionnements différents afin de maudire Israël, en l’observant d’un point où il est vulnérable. Lorsqu’il porte « son regard du côté du désert », par exemple (sixième montée), le Targoum (traduction araméenne du Pentateuque) traduit : « il orienta son visage vers le veau (d’or) qu’Israël confectionna dans le désert ». Il espérait ainsi, en rappelant à Dieu la faute du peuple, réveiller Son courroux contre son peuple.
– La propagande médiatique, visant à diaboliser Israël apparaît déjà dans Balak. Ainsi, Balak conduit Bil’am à Ir Moab, « dans sa capitale, sa ville la plus considérable, pour dire : vois ce que ceux-là (les hébreux) veulent détruire », ainsi qu’à Qiriat Houtsot, « une ville pleine de rues ; hommes, femmes et enfants étaient dans ses rues, comme pour dire : « vois, aie pitié, que ceux-ci ne soient pas anéantis » (Rachi, dans les troisième et quatrième montées). Cela fait penser à Kenitra, la ville située sur le Plateau du Golan, transformée par la propagande syrienne en « musée » des exactions de l’ « ennemi sioniste ».
Etincelles de réflexion :
– Le fait qu’une Paracha porte le nom d’un homme qui voulut faire du mal à Israël peut étonner. Que lui vaut cet honneur ? Le Baal Shem Tov explique que nous devons tirer des enseignements de l’homme bon comme de l’homme mauvais. De la même manière que l’homme doté de vertus, suscite en nous l’envie de lui ressembler, il en est de même avec les hommes méchants, tels que Balak, dont les attitudes nous enseignent ce qu’il ne faut pas faire. Les vertus comme les vices sont incarnées, et c’est précisément cela qui nous permet de nous en approcher ou de nous en éloigner.
– L’on a rarement vu une tentative de manipuler Dieu afin qu’Il s’emporte contre Israël. Or, c’est précisément ce qu’ont tenté de faire Bil’am et Balak à plusieurs reprises, en recherchant les moments de colère divine (il existe de longs développements talmudiques relatifs à un instant infinitésimal dans la journée où le courroux divin s’éveille) afin de l’utiliser en maudissant Israël. Cette audace fait désormais l’objet d’un commandement mémoriel, puisqu’il faut se souvenir quotidiennement de cette tentative, avec neuf autres souvenirs journaliers, qui sont : La sortie d’Egypte, le chabbat, la manne, l’action d’Amaleq, le don de la Torah, les révoltes d’Israël contre Dieu, dans le désert, et en particulier, le veau d’or, la médisance de Myriam (voir Béhé’alotkha), le fait que c’est Dieu qui nous octroie la réussite matérielle et Jérusalem.
– Un texte talmudique enseigne que toutes les bénédictions de Bil’am, se transformèrent finalement en malédictions, par la suite, à l’exception de celle sur les tentes et les demeures (voir sixième montée) qui désignent les maisons d’étude et les synagogues. Bil’am obtint donc une victoire post-mortem. Manitou pose une double question : Pourquoi, d’une part, ces bénédictions devinrent malédictions, et, d’autre part, pour quelle raison, la seule bénédiction qui demeura bénédiction, fut-elle celle des centres d’étude et des synagogues ? Il répond que lorsqu’Israël n’est pas à la hauteur des bénédictions qui définissent en quelque sorte l’Israël idéal, ce qu’il est capable de devenir, s’il n’exprime pas en actes ses potentialités, alors on l’accuse de ce décalage entre l’Israël réel et l’Israël qu’il pourrait devenir. En revanche, concernant les maisons d’étude et de prières, parce qu’elles sont les lieux mêmes de la progression et de l’amélioration de soi, elles sont à l’abri de toute malédiction. On peut reprocher à quelqu’un de ne pas être ce qu’il pourrait être, mais on ne peut lui reprocher d’être en chemin vers son idéal.
1 Autant que tous les autels édifiés par les trois Patriarches, Abraham, Isaac et Jacob.
Voir aussi
Lectures de « Balaq » (GRJO)
Le geste de Pin’has
Les dons de la femme
De l’antisémitisme, par Stéphane Zagdanski, Climats, Flammarion, 2006, p. 39-45 (extraits en ligne)