Naissance de l’écriture hébraïque
Texte de Laurent Hericher, repris du site de la Bibliothèque Nationale. Les liens hypertexte sont de Judéopédia.
Il existe à proprement parler deux écritures hébraïques.
La première appelée également « paléo-hébreu » est née vers le Xe siècle et fut en usage jusque vers le début du Ier siècle de notre ère, la seconde originaire de Mésopotamie, fut en usage dès le VIe siècle avant notre ère et supplanta progressivement mais définitivement la première vers la fin du Ier siècle de notre ère. Elle est appelée écriture judéenne ou communément hébreu carré. C’est cette écriture que l’on utilise encore aujourd’hui.
L’écriture phénicienne ou écriture paléo-hébraïque
L’alphabet hébreu est donc né dans la région de Phénicie, vers le Xe siècle avant notre ère. Il dérive de l’écriture phénicienne, tout comme le grec, mais à la différence de ce dernier, l’écriture hébraïque à l’instar des autres systèmes d’écriture qui se sont développés dans la même région, ne possède pas de signes pour transcrire toutes les voyelles. Seules les consonnes sont écrites, et la prononciation est restituée à la lecture. Cependant, certaines consonnes étaient probablement utilisées par transcrire les sons « ou » « é » et « a ». Cet alphabet originel est appelé aussi écriture paléo-hébraïque, c’est-à-dire littéralement « ancienne écriture hébraïque ».
L’un des plus anciens documents en langue hébraïque écrit en paléo-hébreu est une stèle de pierre sur laquelle est gravé un calendrier agricole. Le calendrier de Gezer, découvert en 1908, daterait du Xe siècle, c’est-à-dire du règne du roi Salomon.
La stèle de Mesha, datant du IXe siècle raconte en langue moabite, une langue ancienne aujourd’hui disparue et proche de l’hébreu, la victoire des armées de Kamosh sur celle du roi d’Israël Ouri. L’alphabet utilisé est le même que celui de Gezer ou celui qui servait à écrire l’hébreu.
Cette vieille écriture hébraïque resta longtemps en usage. En effet, on découvrit à Qumrân parmi les 900 manuscrits de manuscrits exhumés des grottes en 1947 par les bédouins et les archéologues, certains manuscrits copiés vers le Ier siècle de notre ère écrits dans cette écriture d’origine phénicienne.
L’écriture samaritaine
L’écriture samaritaine dérive elle aussi de l’alphabet phénicien. Elle compte 22 signes et ne note que les consonnes. Elle est encore en usage aujourd’hui dans les Pentateuques et les livres liturgiques des Samaritains.
L’écriture araméenne
Lorsque Nabuchodonosor conquiert le royaume de Juda en 586 avant notre ère, l’araméen est la langue diplomatique d’une vaste région allant des confins de la Mésopotamie à l’Égypte. L’hébreu est une langue parlée par quelques centaines de milliers d’individus. Nabuchodonosor déporte à Babylone les élites du royaume de Juda, dont le célèbre prophète Daniel. Durant le siècle que dura l’exil, les Juifs adoptent d’une part l’araméen comme langue vernaculaire et l’alphabet araméen. Pour preuve, certaines parties de la Bible furent rédigés en araméen. Or, l’écriture utilisée pour écrire l’araméen est probablement née dans le désert de Syrie mille avant notre ère. Dans cette famille on compte l’écriture palmyrénienne ou encore l’écriture nabatéenne. C’est de cette famille que naîtra l’écriture arabe.
Lorsque Cyrus autorisa en 521 avant notre ère les anciens habitants de la Judée à se réinstaller à Jérusalem, les exilés et leurs descendants rapportent avec eux la langue et l’écriture araméennes. L’écriture araméenne évolua pendant plusieurs siècles. Or, les populations de Judée qui n’avaient pas été déportées continuaient à utiliser le paléo-hébreu.
Après d’âpres discussions, les rabbins originaires de Mésopotamie répondirent à la question « En quelle écriture la Torah a-t-elle été donnée à Moïse sur le mont Sinaï ? » : « En écriture judéenne ». Ils réussirent à imposer l’écriture hébraïque dite carrée pour la copie des rouleaux de la Torah. Les quelques irréductibles partisans du paléo-hébreu n’abandonnèrent l’antique écriture dérivée du phénicien que vers la fin du Ier siècle de notre ère.
L’invention des voyelles
Dès le premier siècle de notre ère, en Palestine, en Egypte, en Mésopotamie, l’hébreu n’était plus parlé que localement en Palestine sous joug romain ou perse. Les Juifs nombreux en Égypte, en Mésopotamie, parlaient les langues et dialectes des pays où ils vivaient : en Egypte, le grec, en Syrie, le syriaque, en Mésopotamie l’araméen, ou l’arabe à partir de la conquête islamique.
L’écriture hébraïque servait à la copie et la transmission du texte biblique. Or, l’hébreu ne comprend pas de système de voyelles très développé. Les lettres Aleph et Hé peuvent transcrire le son « a », la lettre Yod, les sons « é » ou « i », la lettre Vav, les sons « o » ou « ou ». Ce système loin d’être fiable, ne pouvait assurer la prononciation rigoureuse du texte hébreu de la Torah et sa transmission sans faille.
Un groupe de commentateurs de la Bible, savants spécialistes de l’hébreu et du texte de la Bible, ayant installé leur école sur les rives du lac de Tibériade en Galilée, mirent au point un système de notation constitué de points, de tirets placés sous les lettres hébraïques destinés à noter la prononciation de l’hébreu.
Ils mirent au point un système de notation, signes placés sous et sur les lettres hébraïques, afin de noter là ou s’arrête une phrase, là ou en commence une autre.